Pendant longtemps, on abreuva les niçois d’idées fausses et de mensonges sur les infrastructures de Nice avant l’annexion. Voulant faire croire aux niçois que leur ville était pauvre, en retard, qu’il n’y avait rien et que c’est la France qui donna tout, fit construire et propulsa Nice dans le progrès. Et ce genre de mensonges, bien évidement ressortent à veille de la célébration du 150e anniversaire de l’annexion en 2010
Pour se faire une idée plus précise il convient d’entrer dans les détails en compulsant d’anciens textes, dont la précieuse étude d’Edmond Raynaud datée en 1935. Une visite guidée dans la Nice d’alors permettra aux Niçois d’aujourd’hui de dissiper ces mensonges dont nous a abreuvé la France jacobine depuis 150 ans :
Le Palais Royal : Situé rue du Gouvernement, il avait servi également jusqu’en 1857 d’Intendance Générale. A cette date, Victor-Emmanuel II, qui projetait de rendre visite à l’impératrice de Russie à Nice, le fit embellir, également désireux de faire bonne figure auprès de tous les souverains présents à Nice, qu’il aurait à recevoir. Le grand salon, entre autres, fut décoré par le peintre Hauser, auteur des fresques de la Villa Belvédère ainsi que du tableau qui domine le Maître-Autel de l’église du Vœu.
L’Hôtel de Ville : (anciennement nommé Palais Communale) Il se situait Place Saint-François dans un bel édifice de style Génois du XVIIIème siècle (actuellement Bourse du Travail).
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La cours d’Appel : Elle siégeait dans les locaux de l’ancien Sénat (aujourd’hui asile de nuit !) 70 avocats, 12 avoués et 12 notaires y étaient attachés.
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Le tribunal de première instance : Aussi dénommé Tribunal provincial. Présidé par M. André Faissole, il siégeait rue de l’Hôpital (aujourd’hui rue de l’Hôtel de Ville). Il existait à Nice deux juges de mandement (équivalant à des juges de Paix) : Jean Rossi, juge intra-muros, et Félix Martin, juge extra-muros.
Le tribunal de Commerce : Présidé par Maurice Donaudy, il siégeait rue du Pont-Neuf.
La Poste Royale : Depuis la réforme des lois postales en 1851, le service postal était particulièrement bien organisé. L’ensemble du Pays de Nice était desservi par 34 bureaux de poste en plein exercice : Nice, Breil, Contes, Clans, Drap, Eze, Guillaumes, Isola, Levens, La Croix, Puget-Théniers, Lantosque, Pont-du-Var, St-Sauveur, St-Etienne-de-Tinée, St-Martin-du-Var, St-Martin-de-Lantosque (St-Martin-Vésubie), Roquebillière, Utelle, Roquestéron, Gilette, Roussillon, Sospel, Tende, Villefranche, Villar-sur-Var, La Turbie, Touet-sur-Var, La Trinité-Victor, l’Escarène, Tourrette, Saorge, plus Monaco et Menton. La direction générale des postes pour le Comté se trouvait place Victor (aujourd’hui place Garibaldi). De là partaient les principaux courriers : le matin à 9 heures celui de France, l’après-midi à 17 heures, celui de Turin, le soir à 19h30, celui de Gênes. A Nice, des boîtes à lettres étaient disséminées dans la ville : sous les arcades du port, au bureau des Tabacs du faubourg St-Jean-Baptiste, ainsi que dans les pharmacies Draghi, rue de France, Danie, quai Masséna, Musso, rue du Pont-Neuf, Paulian, rue du Cours, Dalmas, du Gouvernement et Vérani, rue Ste-Réparate.
La compagnie des Eaux : Une société des eaux existait déjà. L’eau était captée au Vallon Obscur, près de saint-Sylvestre, et acheminée vers la ville, abondamment pourvue en fontaine et en puits.
Eclairage public : Les rues de la cité étaient éclairées au gaz depuis 1854. Dès 1848 avait été mise en chantier une usine de traitement de la houille et de production de gaz achevée en 1851.
Les Consulats : De Francfort, de France, de Rome, ect. étaient répartis dans les belles artères ou place de la ville.
Les Hôpitaux : L’Hôpital Saint-Roch (à l’emplacement de la mairie actuelle), l’Hospice de la Charité, l’Hôpital de la Croix, rue Victor, l’Asile évangélique et l’asile du Saint-Esprit, qui pratiquait la médecine homéopathique.
Médecine : La ville comptait 45 médecins ou chirurgiens mais un seul dentiste.
Etablissement horticoles : Les plus connus étaient La Ferme Saint-Etienne d’Alphonse Karr et les serres de Martin Joly, rue Longchamp. De nombreuse Maisons de commerce exportaient des fleurs, fruits, essences et fruit confits.
Education : L’Université de Nice, sous la direction du docteur Jean-Pierre Auda, Procureur Royal, dispensait des cours préparatoires de Droit, de Médecine et de Pharmacie. Nice comptait plusieurs écoles : Le Collège Nationale, Le Lycée commerciale, le petit séminaire au Lazaret ; l’instruction primaire était dispensée pour les garçons par les Frères des écoles chrétiennes (dans un ancien couvent sis derrière l’église du Gésu) ; pour les filles par deux institutions, Les fidèles compagnes de Jésus et les religieuses du Bon Pasteur, toutes deux installées rue de France. L’école de chirurgie et de Médecine était déjà signalée dans les Constitutions royales pour l’Université édictées par le du Victor-Amédée en 1720, 1723, 1729 et par Charles-Emmanuel III en 1738. L’enseignement était dispensé par les meilleurs médecins et chirurgiens (entre autres Ignace Del Vale, chirurgien de la Maison Royale et le savant Botaniste Antoine Risso) ; en 1844 l’on compta 12 candidats aux examens. Cette école subsista jusqu’à l’annexion de 1860. Les cours théoriques étaient dispensés dans les locaux du Collegio Convito Nazionale. Dans ce même collège se trouvait aussi les écoles de Droits, de Chimie, de Pharmacie et de Théologie.
Manufacture de Tabac : Elle était située rue Saint-Francois de Paule et employait plus de 200 personnes, dont les fameuses cigalusa. Avant l’annexion, la Manufacture s’était déjà étendue dans de grands locaux sis route de Villefranche.
Le Commerce : Outre le tourisme, le commerce de l’huile d’olive, des fleurs, de la parfumerie, des fruits et agrumes, des poissons séchés, des produits orientaux arrivant au port. Il faut ajouter la vente de bois ; les fûts de sapins coupés dans les montagnes étaient charriés par le Var et traités à Nice ; le bois de châtaignier venait du Piémont. La ville était d’ailleurs connue dans toute l’Europe pour ses productions de marqueterie, depuis qu’en 1822 Claude Gimelle avait installé aux Ponchettes un important atelier de marqueterie. A cela il faut ajouter la production de vin et de soie. Un siècle auparavant, Smollet écrivait déjà à ce propos : « 22 octobre 1764 : le Comté de Nice produit une quantité considérable de chanvre d’oranges, de citrons ainsi que de l’huile excellente, de très bons anchois et une certaine quantité de soie et de vin, lequel est meilleur que celui du Languedoc et bien supérieur au porto que l’on boit en Angleterre. Ce vin a du corps et un goût agréables, se conserve et s’améliore par le transport maritime » ; « 10 novembre 1764… Il existe une manufacture de soie juste en dehors d’une des portes de la ville ; on y voit tourner quarante broches et un nombre double de jeunes filles y trouvent de l’emploi. Le comté de Nice tout entiers produit environ cent-trente trois balles de soie de cent livres chacune, ce qui représente une valeur de quatre cent mille Livres… »
Hôtellerie : Les principaux Hôtels étaient : l’Hôtel d’Europe (rue de France), Chauvin (quai St-Jean-Baptiste), Paradis, du Nord, d’Angleterre, de l’Univers, de la Grande-Bretagne, des Etrangers, de Brezzi, d’York (ancien Hôtel particuliers des comtes de Cessole, place du Palais), des princes (aux Ponchettes), l’Hôtel Royal, l’Hôtel Russe (à côté du Temple Vaudois). L’auberge Grec (Place St-Francois), l’auberge du chapeau-rouge (Faubourg St-Jean-Baptiste) Hôtels et pensions étaient au nombre d’une quarantaine environ.
Le cercle Philharmonique : Son siège était au 15 rue du Pont-Neuf. Il était fréquenté par des Niçois mais aussi des musiciens célèbres en villégiatures à Nice. Paganini s’y produisit très souvent.
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Thermes et établissement de bains : Thermes tenus par le Docteur Binet, l’établissement de bains des Quatre-Saisons, les polythermes de Mari. La riche clientèle étrangère habituée aux villes d’eau ne considérait souvent que les vertus curatives de l’eau de mer, et non les plaisirs de la plage comme on les conçoit aujourd’hui.
Théâtres : Le Théâtre Royal (Opéra Italien), rue Saint-Francois de Paule, le Théâtre-Cirque Tiranty (à l’emplacement actuel des Galeries Lafayette), le Théâtre Populaire Ségurane, rue Victor (actuellement de la République). La plupart des grands hôtels possédaient des salles de concert ; pendant la saison, la musique militaire donnait des concerts sur le Cours ou dans les kiosques à musique. Comme tous les Latins, les Niçois avaient une prédilection pour l’Opéra et la musique ; une fausse note lors d’une soirée de Gala pouvait déchaîner une tempête dans la presse. Nice a été le séjour des plus grands musiciens, dont les célèbres Paganini et Meyerbeer, protégés par les comtes de Cessole. C’est à Nice que Berlioz écrivit certaines de ses œuvres, et sous les ombrages du parc de la Villa de Cessole que plus tard Meyerbeer composa l’Africaine.
Musée et Bibliothèque : Ils étaient installées dans les mêmes locaux, rue Saint-François-de-Paul. On peut regretter que beaucoup d’objets provenant des fouilles de Cimiez n’y aient pas été conservés, mais vendus ou envoyés à Turin.
Journaux : Quatre journaux étaient imprimés à Nice : Il Nizzardo, La Gazette de Nice, Le Messager et l’Avenir de Nice ; on y trouvait aussi les grands journaux étrangers. Il est surprenant de constater que Nice, qui ne comptait que 48 000 habitants en 1860, bénéficiait à l’époque du luxe démocratique que représentait quatre journaux ; aujourd’hui près de 350 000 Niçois doivent se contenter d’un seul, ce qui pour le moins démontre une régression de la liberté d’expression.
Lieux à la mode : Le cabinet de lecture Visconti, sur le Cours ombragé d’Ormeaux, recevait depuis 1839 la société lettré dans ses salons de conversation et éditait un journal ; dans sa salle de lecture, l'on pouvait consulter 87 journaux différents. Sa bibliothèque circulante était riche de 17 000 ouvrages et l’on donnait même des concerts dans les salons… Niçois et touristes consommaient des glaces au bout du Cours, au café-Américain dont le beau jardin allait jusqu’à la mer ; les cafés Charles-Albert et de la Poste, place Victor ; le pâtissier Muller et la Mercerie Crebasse, place St-Dominique ; le Café de la veuve étaient installés les magasins élégants : la librairie Delbecchi, la boutique d’étoffes de Messiah de Londres, la boulangerie Française de Rousseau, le Bazar Roche-Maizonié-Sauvan, les Ets. Cassin et Frères. Rue Saint-François-de-Paul l’on trouvait l’épicerie Anglaise de Berlandina, le tailleur Fricéro, le coiffeur Macari et le lunetier Doninelli qui officiait A la lunette d’or. Rue de la Caserne (aujourd’hui de la Préfecture) les sous-officiers se retrouvaient au Café de Paris situé en étage.
Police et Télégraphe : Les bureaux de police, des passeports et des télégraphes étaient installés place de la Poissonnerie. Dès 1800 un télégraphe optique fut installé au Mont-Boron.
Voirie : A cette époque, la Promenade des Anglais venait d’être prolongée jusqu’au Pont-Magnan ; le jardin Public ou jardin des plantes existait déjà ; la Place Masséna, dessinée par vernier en 1835, était pratiquement achevée et le projet d’une grande voie traversant le faubourg Longchamp était déjà l’étude ; dans ce quartier s’élevait l’église russe (inaugurée en janvier 1860) du à la générosité de l’impératrice Alexandra-Féodorovna.
Imprimeries : Féraud et Cie (Imprimerie Nationale), société typographique, Caisson, Suchet et fils, Canis et frères.
Evêché : l’Evêque Mgr Sola résidait Villa Sainte Agathe et ses bureaux se trouvaient rue Sainte-Réparate. Les paroisses urbaines étaient au nombre de quatre. Trois prêtres desservaient les faubourgs et dix la campagne environnante.
Transports : Par mer, le vapeur Dante de la Cie Rubattino assurait la liaison Nice-Gênes, et la Cie Fraissinet le service entre Nice et Marseille. Par terre, les Messageries Impériales partaient de la place Masséna pour Marseille et Gênes. En outre, les Messageries Générales assuraient une correspondance avec les trains express pour Paris. Les diligences pour Coni partaient de l’Hôtel de l’Univers, place Saint-Dominique. Les Ets Loupias louaient des voitures voyage ; dans la ville l’on pouvait utiliser des voitures de place. Trois omnibus conduisaient au Var, à Saint-Martin-du-Var et à Levens. A Nice même une ligne de tramways hippomobiles reliait, depuis 1854, le Pont-Vieux au quartier du Ray.
Les édiles : L’intendant Général : Ferrero della Marmora. Deux députés : le chevalier Laurenti-Roubaudi et le docteur Jean-Baptiste Bottero (au moment de l’annexion : toujours Laurenti-Roubaudi et Garibaldi). Le Syndic (maire) : l’avocat François Malausséna (nommé d’office en remplacement de M. Barralis), qui avant les élections de janviers 1860, était secondé par six vice-syndics et quarante conseillers.
Armée : A Nice était stationnée la brigade Piémont, composée de deux régiment d’infanterie commandés par le général Philibert Mollard ; ils étaient casernés places Saint-Dominique et Saint-Augustin. La Garde Nationales était composés de trois bataillons. Rue Saint-François de Paule, se trouvait une caserne de carabiniers.
La Banque Nationale : Ses locaux se situaient sur la Place Saint-Dominique. Il existait également à Nice plusieurs banques privées.
Voilà la « pauvresse » que la France prit sous tutelle pour lui rendre service… on comprend qu'elle n’ait jamais voulu par la suite rendre ses biens et sa liberté à la pupille devenue majeure…
La radiographie, même sommaire, de la structure de Nice en 1860, montre à l’évidence que la ville et le Pays de Nice formaient une entité très cohérente, soudée par une langue, une culture, et qui disposait d’extraordinaires et indéniables atouts. Certes, des progrès restaient à faire dans certains domaines, mais qu’était la société française à cette époque en dehors des Tuileries et des salons bourgeois ? Et la société anglaise qui s’accommodait de voir des enfants de dix ans, tirer des chariots dans des mines de charbons ? Ou plus proche de nous, Monaco à la même époque ? En 1860, le territoire de la Principauté n’était que rocailles et friche ou paissaient des troupeaux de chèvres au milieu de caroubiers sauvages. Sur le Rocher se trouvait un Palais à demi-démeublé, gardé par une trentaine de carabiniers mal vêtus ; l’accès très difficile par la terre obligeait les visiteurs qui désiraient s’y rendre à aborder la principauté par la Mer.
Quand on songe à ce qu’était le Pays de Nice à la même époque, et que l’on compare Nice et Monaco aujourd’hui, on aura compris sans grandes explications ce que notre ville a perdu en 1860…par la faute d’une poignée de banquiers avides, de prêtres corrompus et de hauts-fonctionnaires serviles et égoïstes qui en se vendant à la France entraînèrent les Niçois avec eux. Alors que le Pays de Nice était matériellement prêt pour l’indépendance ; sa situation économique n’était nullement catastrophique et ses possibilités immenses. Il suffit de voir le solide plan politique établit par le banquier niçois Gonzague Arson, que le prince de Monaco d'alors reprit à son compte…