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15 juillet 2009

Les gadgets de l’inspecteur Estrosi (article "Libération")

«Le taux d’élucidation [des crimes et délits] est en hausse depuis 2002, [passant] de 21% à près de 37%.» Christian Estrosi, le 10 juin, dans le «Talk» du «Figaro».

Par CÉDRIC MATHIOT

Intox. Grand zélateur de la politique sécuritaire de l’UMP, parfois annoncé comme futur ministre de l’Intérieur, Christian Estrosi manie déjà les chiffres de la délinquance avec maestria… Le 10 juin, dans le «Talk» du Figaro, il rendait hommage au bilan sécuritaire de la droite et pointait «le taux d’élucidation, qui est en hausse depuis 2002, de 21 % à près de 37 %». Cet enthousiasme faisait écho à celui de Nicolas Sarkozy, louant en janvier la progression «fantastique» du taux d’élucidation sur la même période.

Désintox. Les chiffres cités par Estrosi sont faux. Pour mieux faire reluire le chiffre de 2008 (37,6 %), Estrosi tire exagérément à la baisse celui de 2002, qui était de 26,27 % et non de 21 %. Mais là n’est pas l’essentiel. Le principal problème est que la notion de taux d’élucidation moyen est bien peu signifiante. Le taux d’élucidation (ratio entre le nombre de faits élucidés et le nombre de faits constatés sur une période donnée) est très variable selon la nature des infractions. Les vols sont peu élucidés (moins de 15 %), quand d’autres faits le sont systématiquement. Par une dérive statistique amusante, on compte même en 2008 seize catégories d’infraction affichant un taux supérieur à 100 %, avec une pointe à 136 % pour les «infractions en matière de chèques» : un seul chéquier volé retrouvé peut amener certains commissariats portés sur les chiffres à déclarer élucidés… autant de faits que de chèques contrefaits.

Faire une moyenne n’a donc guère de sens. Il est tout aussi absurde d’observer les variations du taux moyen d’une année à l’autre : il suffit que le nombre de délits facilement «élucidables» augmente en proportion par rapport aux autres pour gonfler le taux global. C’est ce qui s’est passé entre 2002 et 2008.

Christian Estrosi omet ainsi de préciser qu’une des raisons de l’amélioration du taux d’élucidation qu’il salue est l’explosion du nombre d’infractions à la législation sur les stupéfiants, élucidés à 100% (l’auteur du délit, dealer, consommateur, étant le plus souvent interpellé en même temps que le fait est constaté). Alors que la délinquance a globalement baissé de 2002 à 2008, les infractions à la législation sur les stupéfiants ont progressé sur la même période de 103 000 faits constatés (et élucidés) à 178 000, dopant mécaniquement le taux d’élucidation moyen. Une hausse pas vraiment accidentelle. «Quand Sarkozy est arrivé au ministère de l’Intérieur en 2002, on s’est pris en pleine gueule sa politique du chiffre, témoigne un agent de la Brigade anticriminalité (Bac). On nous a clairement fait comprendre qu’on devait plutôt chopper 300 mecs avec dix grammes de shit qu’un gars avec 300 kilos de résine de cannabis.»

La chasse aux sans-papiers a aussi contribué à faire grimper les statistiques d’élucidation : voilà une autre catégorie d’infraction qui affiche un taux d’élucidation béton (99,89 % en 2008) et qui a explosé ces dernières années. Entre 2003 et 2008, les infractions à la législation sur les étrangers (ILE) sont passées de 59 000 à 100 400.

Enfin, on observe un phénomène comparable avec les «violences non crapuleuses». Ces infractions qui sont élucidées dans trois quarts des cas (l’agresseur étant la plupart du temps identifié, d’autant qu’une part croissante concerne les violences intrafamiliales) ont crû, depuis 2003, de 170 000 faits à 233 500 aujourd’hui. Sebastian Roché, chercheur au CNRS, souligne donc ce paradoxe évident : «Plus de violence et de drogue dans la délinquance font monter le taux d’élucidation. Si l’on confond le taux d’élucidation avec un taux d’efficacité policière, le pire peut apparaître comme un mieux.» Exemple par l’absurde : si les infractions liées à la drogue n’avaient pas progressé depuis 2002, le taux d’élucidation moyen serait aujourd’hui moins bon de 1,5 point !

En fait, le taux d’élucidation n’a donc de sens que si on l’observe par catégorie d’infraction. Et s’il est vrai que la majorité des délits et crimes sont plus fréquemment élucidés depuis 2002, les progressions sont bien inférieures à la moyenne saluée par Estrosi. Le taux est passé de 11 % à 14,9 % pour les vols (il n’y a pas plus de vols élucidés… mais moins de vols constatés), et de 71,8 à 76,8 % pour les violences non crapuleuses. Le taux d’élucidation pour les faits de délinquance financière, lui, a reculé, de 56,89 % en 2003 à 51,52 % aujourd’hui.

http://www.liberation.fr/societe/0101575420-les-gadgets-de-l-inspecteur-estrosi

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