L’érudit niçois Stéphane Bosio publia dans l’Armanach Niçois en 1930 un article majeur qui mettait à mal les théories mistraliennes justifiant la volonté d’hégémonie de la Provence occitane sur Nice et il est bon d’en citer un extrait :
“les Niçois, qui ont conservé au cœur l’orgueil de leur patrie, soutiennent au contraire que le Nissart s’est formé comme le provençal, le languedocien etc. : issu de la décadence et de l’altération du bas latin, il est une langue ayant des particularités autochtones ; son individualité est apparentée certes au provençal voisin mais sœur et non pas fille dégénérée de la langue d’outre-Var. Plusieurs volumes de philologie ne suffiraient pas à épuiser cette controverse, ni à convaincre les adversaires.
Une victoire des provençalisants serait d’ailleurs sans portée décisive en ce qui concerne la “provençalité” de Nice car, même en admettant démontré que la langue parlée dans le comté de Nice est identique que celle parlée à Aix, on n’aurait pas démontré ispo-facto que le pays de Nice soit un pays de sang et de cœur provençal… Il est admis en droit historique que l’identité de langue n’est pas un élément décisif de la formation des groupements sociaux. Les exemples contraires à cette maxime de la communauté de langue, créant une communauté morale sont nombreux au cours de l’histoire et autour de nous : les pays de Genève et de Vaux, le Val d’Aoste, les Alsaciens parlant allemands mais ne voulant pas être allemands… Et les habitants de langue française de la Tour-Pellis qui accueilleraient d’un large rire piémontais les revendications du Dauphiné…
La langue est bien une condition indispensable pour faciliter l’association de la communauté (disent Pasquale Fiore et Pradier Fodéré) mais elle n’établit pas un lien essentiel de manière à obliger tous ceux qui parlent la même langue à former une nation. L’identité de langage, dit Georges Bry, qui enseignait à Aix il y a trente ans, est sans doute un élément important, mais il n’est pas décisif…”