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22 décembre 2012

Lou Présépi Nissart, cœur de la culture populaire niçoise, par Alain Roullier

lou_presepi_nissartLe temps de Noël est arrivé avec son cortège de souvenirs, de branches de houx, d’étoiles scintillantes et de boules multicolores qui dansent la farandole dans les yeux des enfants. Il est bon de rappeler nos traditions niçoises, à une époque où l’on ne peut plus faire une crèche ou placer un sapin de Noël dans une maternelle sous prétexte de laïcité ou d’incongruité vis-à-vis d’autres cultures. Aujourd’hui beaucoup d’ethnies et de nationalités vivent chez nous et le pouvoir central voudrait nous dépouiller de nos racines, pour que nous nous adaptions aux mœurs et coutumes des nouveaux venus. La logique et le bon sens veulent que les nouveaux venus s’adaptent aux coutumes des pays où ils vivent. Mais le bon sens n’a plus cours au pays de Descartes, le bon sens n’est plus français…


Depuis des siècles les Niçois ont toujours, avant les autres accueilli l’étranger, le banni et le persécuté qui venaient travailler dans leur ville, mais les Niçois sont chez eux ; ils ne plieront pas l’échine devant les philosophies décadentes de multi ceci et de pluri cela venues, d’outre Var et hissées au pinacle du credo jacobin par un pouvoir central en pleine déliquescence. Que cela plaise ou non a certains, les Niçois ont une histoire de 25 siècles, ils sont chez eux et ils sont toujours debout, ils entendent demeurer ce qu’ils sont et conserver jalousement les traditions héritées de leur ancêtres.

A Nice, la culture et l’identité niçoise primeront toujours sur toutes les autres, que nous acceptons volontiers à condition qu’elles ne gênent pas la nôtre et ne soient conquérantes en aucun façon ; cette vérité est incontournable et aucun pouvoir au monde ne pourra battre en brèche. J’évoquerais donc l’une des traditions populaires de Noël auxquels nos ancêtres étaient très attachés : le Présépi Nissart.

 

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Le Présépi est une ancienne tradition naïve du peuple niçois, exprimée d’abord par le biais de marionnettes en bois. Ces figurines représentaient des personnages populaires symboliques ou emblématiques de la ville. Les représentations étaient données en Veille-Ville dans les arrières boutiques ou dans des théâtres de marionnettes ambulants. Bien que cette tradition soit plus ancienne depuis 1830. Guisol dit dans sa Mensoneghiera que « li mariota » faisaient des délices des Niçois. Dans la Nemaïda, le grand écrivain niçois Rancher met en scène le personnage de « Fieùferre » qui près du Pont-Vieux montrait ses marionnettes dans une baraque en bois.

Après l’annexion, la résistance du peuple niçois se concentra dans la tradition populaire et les spectacles de mariota se multiplièrent, notamment au théâtre Risso. Le chroniqueur Humbert Oberti souligne que « ses animateurs ont toujours été des ouvriers et artisans de la veille ville qui exprimaient dans des rimes souvent baroques leur humour spécifiquement local ; les chants du Présépi sont des vestiges du vieux « nouvé » (Noëls) de Saboli, de Mehul, de Martin Seitour et d’autres anonymes que Nice a toujours révélés en son sein ».

Le barde niçois Menica Rondelli recueillit ces traditions orales et édita son Présépi en 1919 puis le réédita en 1926. Parallèlement aux théâtres de marionnettes, le Présépi était joué en pièce de théâtre par des intervenants amateurs issus du peuple qui véhiculaient avec simplicité et naturel la quintessence de l’esprit niçois. Ces représentations populaires étaient originales et vivantes car les acteurs déclinaient un texte qui n’était pas figé : dans un cadre convenu dont le thème était la naïveté, des personnages immuables prenaient la liberté d’insérer malicieusement dans le texte classique, des points de l’année écoulée, des traits d’humour ou de moqueries ; le spectacle devenait une satire de la société niçoise et parfois de la structure religieuse de l’époque. A ce titre dans les temps anciens, les Présépi n’étaient pas très bien vus par l’Eglise et se jouaient en lieux discrets devant un public complice.

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Les personnages immuables du Présépi était l’ange Bouffareu, lou Curat, lou Trouble (le Diable), Barba laurens, Barba Martin, lou coumaire Cicoun, lou Pescadou, et lou Cassaire ; mais d’autre venaient parfois compléter la compagnie : coumpaire Simoun, pendant masculin de coumaire Cicoun, la cancanière, lou Sacristan,  la Fliusa, lou Pastre, lou Mestre, lu doui gendarma représentant l’autorité que l’on brocardait… sans oublier la redoutée tanta Chiquetta… la mort, qui avait fauché les trépassés de n’année écoulée…

Les acteurs occasionnels déclinaient malicieusement, avec la verve niçoise, les travers des uns et les mécomptes des autres. Deux seulement des personnages du Présépi représentaient nominalement deux des familles les plus anciennes et les plus ancrées, à l’époque, dans la tradition populaire : l’importante famille Martin et l’antique famille patricienne Laurens, qui figure à l’Amorial du comté (et construisit entre autre le couvent des Dominicains en 1243 à Saleya). Elles étaient représentées respectivement par Barba Martin et Barba Laurens (le « s » final ne se prononçant pas). Le terme barba signifie oncle en Nissart, mais aussi par extension, le patriarche de la famille, l’autorité morale, celui qui est respecté et écouté et auprès de qui l’on prend conseil. Il était d’usage que l’aîné des Martin et des Laurens vienne interpréter le rôle dévolu à sa famille. Mon grand-père maternel, Honoré-Rosalinde Laurens, (ainsi prénommé, en l’honneur de Joseph-Rosalinde Rancher, ami de sa famille et lui aussi d’ancienne souche niçoise), allait chaque année selon la tradition interpréter le rôle de Barba Laurens dans le Présépi et je me souviens encore de la magnifique crèche niçoise qu’il avait artistement composée, dans laquelle l’on plaçait toujours une Arlésienne, en souvenir du très lointain passé provençal de sa famille, en 1100, avant que l’une de ses branches ne s’installe à Nice, et n’abandonne ses fiefs en Provence lors de la dédition de 1388 pour demeurer Niçoise.

On a plus tard appelé Présépi les crèches niçoises. La plupart des anciennes familles niçoises excellaient dans l’art de la crèche. On confectionnait des moutons avec des toisons de vraie laine, des paysages en papier mâché agrémentés de vraie mousse, des machineries qui mettaient en mouvement les ailes des moulins et l’eau factice sous les ponts, des personnages en divers matériaux et tissus etc… Les plus célèbres de ces crèches étaient connues et se visitaient chez les particuliers. On fit même des concours de Présépi, dotées de prix, et chaque année l’on améliorait et enrichissait ces petites merveilles.

Aujourd’hui, par extension l’on nomme aussi Présépi les crèches provençales vivantes, ce qui est une déformation de la tradition niçoise, mais à Nice, certaines troupes jouent encore des Présépi, plus ou moins fidèles à la tradition ; des auteurs en écrivent même des nouveaux en nissart, en y incluant des thèmes plus modernes. Espérons que ces traditions perdurent afin de conserver l’âme niçoise et l’identité de notre peuple ; et ne nous contentons pas d’espérer et de laisser les autres agir, mais devenons acteurs de notre identité et incitons nos jeunes à faire de même.

 

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