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30 avril 2007

Le maire de la Trinité à eu une bonne idée

par Alain Roullier


M. Jean-Louis Scoffié, sollicité en ce sens par beaucoup d’habitants de la commune, a fait voter par son conseil municipal une délibération visant à rendre à la commune son ancienne appellation de « Trinité-Victor » ; ce retour aux racines n’à pas plu à l’opposition, ce qui est logique puisqu’elle est là pour « s’opposer ».

Certains arguments, comme le coût du changement de signalisation, sont assez pauvres, car il ne s’agira pas d’une fortune, et retrouver ses racines n’à pas de prix à une époque où l’on perd ses repères. Mais les autres arguments sont risibles car ils se veulent « historiques » et « moraux » mais trahissent une méconnaissance totale de l’histoire où une mauvaise foi vraiment partisane.

C’est Victor-Emmanuel Ier qui créa cette commune le 30 janvier 1818 et l’opposition fait l’amalgame avec Victor-Emmanuel III, accusé d’avoir cautionné le fascisme. Il n’y a qu’un très lointain rapport entre ces deux souverains : le premier régna de 1802 à 1821 et le second de 1900 à 1946.

Après Victor-Emmanuel Ier, régna Charles-Félix (1821-1831) qui décéda sans enfant. La couronne passa à une branche cadette éloignée, les Savoie-Carignan en la personne de Charles-Albert (1831-1849). Ce dernier eut un fils putatif, Victor-Emmanuel II (1849-1900) qui n’était probablement pas le fils de son père, ce qui était connu à l’époque ; d’ailleurs en privés, lors de beuveries chez sa maîtresse, « la belle Rosina » (une fille de tambour-major qu’il avait anobli et promue comtesse de Mirafiore), le roi quand il était pris de boisson en plaisantait lui-même en dialecte piémontais, avouant volontiers qu’il était de même extraction qu’elle, puisque fils d’un valet d’écurie (ce qu’explique Henri Sappia dans Nice contemporaine, en donnant les raisons politiques de ce remplacement d’enfant).

Après ce faux Savoie mais qui devint un vrai roi d’Italie (puisqu’il fonda ce royaume) régna son fils Humbert Ier (1878-1900), puis enfin Victor-Emmanuel III (1900-1946). Ce souverain faible et complexé par sa petite taille fut débordé par Mussolini qu’il jalousait et détestait comme toute la famille royale (la princesse héritière et future reine Marie-José se réfugia même en Suisse). Il contresigna, car il y était contraint par la constitution, des lois iniques initiées par le duce, mais dès qu’il le put il eut enfin, mais trop tard, le courage de faire arrêter et embastiller Mussolini, puis de signer un armistice ; en représailles les Allemands arrêtèrent sa fille, la princesse Mafalda et l’internèrent à Buchenwald où elle mourut le 27 août 1944, ce qui laisse supposer que Victor-Emmanuel III quoi que l’on pense et l’on en dise, ne débordait pas de sympathie pour les Nazis. Hitler haïssait les Savoie et il a dit de Mafalda que c’était « la charogne la plus trouble de la famille royale italienne ». Ce beau compliment valut à la princesse d’être honorée par la République italienne qui donna son nom à une commune de la province de Campo Basso et qui édita un timbre à son effigie en 1997.

Les faits historiques réels sont souvent plus nuancés que les caricatures politiciennes que l’on en fait après coup ; de même, pour soutenir une cause dont le bien fondé est évident, certains n’hésitent pas à forcer le trait et à falsifier l’histoire inutilement ; ces pratiques sont nuisibles car en souillant la vérité d’ombres mensongères, on l’amoindrit et la décrédibilise au lieu de la grandir.

Vouloir imputer à Victor-Emmanuel Ier les errances de Victor-Emmanuel III est une pure hérésie tant ces personnages sont éloignés par le sang, par le temps, par le caractère et par les actions ; il ne leur reste que le même prénom… autant débaptiser les rues portant le nom de l’abbé Papon, érudit et bienfaiteur née en 1734 à Puget-Théniers, parce que l’on a condamné récemment un homonyme. Dans cette logique et pour faire bonne mesure, l’opposition au maire de la Trinité devrait aussi demander la suppression de la Fête des Mères parce c’est Philippe Pétain qui l’à instituée, et encore annuler l’AOC du vin de Bellet accordée en 1941 parce qu’on la doit aussi au même personnage… Et pourquoi pas débaptiser carrément la Trinité et la nommer Marianne car un nom évoquant la religion catholique n’est pas en accord avec la république laïque et peut choquer les personnes d’autres confessions ? Il faut cesser cette surenchère d’inepties qui est à la mode. Le devoir de mémoire dont on nous rebat les oreilles est légitime à la condition expresse que, pour satisfaire à des convenances du moment, il ne porte pas atteinte au devoir de mémoire absolu et sacré que nous avons envers nos ancêtres.

L’autre argument de l’opposition au maire est plus hypocrite encore, car il s’appuie sur un mensonge historique établi que ne contestent plus que ceux qui y ont intérêt : « le retour au passé que vous préconisez sera ressenti comme une trahison vis-à-vis du choix de 1860 ». Ceci est un anti-argument. Le « choix » en question fut qualifié par le correspondant du Times de l’époque de « farce la plus abjecte qui ait été jouée dans l’histoire des nations ». Cette mascarade organisé par Napoléon III se déroula sous l’occupation militaire et civile française, avec des comités pro-français qui établirent les listes et laissèrent voter qui ils voulaient, sans aucune voie de recours. Pas de bulletins Non, pas d’isoloirs, pressions menaces, corruption et bourrage d’urne ; Garibaldi protesta conte « la violence faite à Nice, avec la corruption et la force brutale » et menaça de « venir renverser les urnes pour faire procéder à un vote propre ».

Les arguments des opposants au maire de la Trinité sont donc spécieux et sans fondement aucun. Ils ressemblent aux poncifs éculés que les ignorants rabâchent à satiété lors de conversations de comptoir de bar. J’espère donc que le maire de la Trinité sera soutenu par la majorité de la population afin que ce projet frappé au coin du bon sens, aboutisse. Personnellement je le félicite de son initiative, car j’ai moralement le droit et devoir de soutenir son action même, si je n’habite pas la commune.

Je suis descendant direct d’une très ancienne famille trinitaire : mon arrière-grand-mère Marie-Caroline Conso fut baptisée de ce prénom en hommage à l’épouse de Charles-Félix, roi du buon governo… A ce titre, j’ai une tendresse particulière pour la Trinité-Victor, terre de certains de mes aïeux ; j’espère modestement contribuer à rétablir ce qu’ils avaient instaurés autrefois et que certains politiciens obtus ont stupidement bafoué par opportunité politique en 1951.

Bonne chance, monsieur le maire.

 

Les Nouvelles Niçoises, avril 2007

 

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